Protect what you love • Sailing Seasters

Protect what you love

Sur Alcara nous aimons la nature et nous nous efforçons au maximum pour la protéger.

Ce matin je me suis levée tôt pour descendre à la plage promener les chiens (oui les pauvres petits sont très propres et se retiennent toute la nuit sur le bateau donc le plus tôt est le mieux pour les descendre).

Une fois sur l’île je salut les Kunas, il y a bien du monde ce matin autour de la petite cahute de notre ami. Et Morro et Siba sont très agités à peine ont-ils posé la pate sur l’île. Je sais qu’ils ne sont pas toujours très sociables mais ils se mettent à aboyer, à tourner en rond etc.

Je ne comprends pas et c’est mon ami Kuna qui, un peu honteux, m’explique que les chiens sont agités car derrière la cabaña se trouve….une tortue!

– “Une tortue??”

– Oui une tortue qu’on a attrapé cette nuit.

Je sais de quoi il en retourne mais fait l’innocente et lui dit :

–  “Oooh est-ce que je peux la voir”.

Nous sommes en Juillet, c’est la saison de la ponte pour les tortues. Chaque nuit, 4 différentes espèces ici présentes aux San Blas (verte, carreta carreta, luth et imbriquées…), montent sur les iles pour déposer leurs oeufs.

Mais ces belles créatures marines ont de nombreux prédateurs. Et le plus menaçant  est…l’Homme.

Aux San Blas les tortues sont normalement protégées et en 2006 une résolution de 5 ans a été établie par le Congreso, interdisant leur capture. Malheureusement de nombreux pêcheurs chassent ces espèces pour leur chaire (apparemment) savoureuse, qu’ils vendent à 80$ pièce.

Ce matin là, découvrant cet horrible spectacle mon coeur s’est brisé! Je ne pouvais m’énerver contre ces personnes qui n’ont que des noix de coco, du riz et du poisson ahumado à manger et qui voient un festin (et beaucoup d’argent) face à un tortue de cette taille.

Mais ce pauvre animal, cette énorme et magnifique tortue, ligotée, ficelée, sur le dos, la tête dans le sable, un chien lui mordant les nageoires et elle tentant de se débattre avec l’incroyable force qui lui reste tout en feulant comme un chat menacé.

L’homme est d’une cruelle brutalité!

Je ne sais si ma réaction a été la bonne mais j’ai immédiatement demandé aux Kunas combien ils voulaient pour la libérer. Je voulais mettre fin dès maintenant à cette atrocité!

Oui maintenant ils associent encore plus tortue = argent, bénéfice et qu’ils essayeront d’autant plus de les attraper mais j’ose espérer que celle-là a pu échapper à d’autres filets et qu’elle nage libre dans l’océan.

Au nom des Hommes petite tortue, je suis désolée. Au nom des Hommes belle nature, je suis désolée.

 

Cette situation pose beaucoup de questions :

J’aime tellement les animaux et en même temps face à cette situation, à l’ignorance de ces Kunas, à leurs conditions de vie, je ne pouvais pas leur en vouloir. Pour eux cette tortue est une protéine comme une autre, comme de la vache pour certains. 

J’aurais pû, comme certains le diront, appeler le Congreso pour dénoncer ces personnes. Mais la punition est-elle une solution face à un peuple en souffrance, dans le besoin, qui essai de survivre? Ici ni eau potable ni électricité, 4 bouts de bois et des feuilles de palmier pour abriter un hamac dans lequel dormir, aller pêcher pour pouvoir survivre… La punition permet-elle réellement de changer ces comportements?

Qui suis-je, étrangère venant profiter de leur territoire et de ce qu’il offre pour leur dire ce qu’ils peuvent faire ou non ? Et pour les dénoncer à leurs autorités?

Comment ne pas venir en Colon à leur dire ce qu’ils devraient faire chez eux, quand on voit les abattoirs dans nos sociétés occidentales et qu’on accepte encore les corridas car c’est “culturel”? Quel exemple de peuple “civilisé” donnons-nous?

Depuis des décennies les tribus du monde mangent les tortues et leurs oeufs. Le garde-fou dans les sociétés Polynésiennes par exemple était le fait que ce met était réservé au Roi. Si quelqu’un d’autre était pris à en manger, il était très sévèrement puni (exécuté).

Comment éduquer quand ce genre de comportement est ancré culturellement dans une population autochtone qui est surement bien plus proche de la nature que nous et la surexploite beaucoup moins?

Nous vivons tous sur la même planète et il est temps de tous ouvrir les yeux, de n’importe quel endroit dont nous venions, il est temps d’arrêter d’épuiser notre terre.

Des phrases qu’on entend et qu’on ne comprend pas au premier instant mais qui restent imprimées ensuite :

–  “c’est plus ton paradis que le mien” m’a dit ce vieil homme Kuna un jour. Je n’ai pas tout de suite capté ce qu’il voulait me dire et lui ai répondu:

– “non, c’est le tien, c’est ton territoire, je ne suis qu’invité”. Mais pour lui cet endroit n’a rien d’un paradis…

Ou face au chantage que l’on peut faire :

– “non je ne chargerai pas ton téléphone car tu manges des tortues”. Et que la réponse est:

– “ça se voit que tu n’as jamais souffert de la faim”.

Etat des lieux et pistes de réflexion :

Ces îles vierges paradisiaques que sont les San Blas, sont peuplés par les Kunas, peuple indigène qui bénéficie d’une autonomie politique sur leur territoire qu’est Guna Yala et ils sont protégés par l’UNESCO comme patrimoine vivant et peuple autochtone.

Croyances des Kunas face à la nature = peur. Histoires des tortues qui auraient été des soeurs qui ont fait quelque chose de mal et se sont transformées. Beaucoup de Kunas disent que quand les tortues montent sur la plage pour pondre, on peut entendre dans la nuit des rires de femmes.

“On ne peut pas oublier que, même si les Kunas partagent une cosmologie propre aux sociétés dites animistes, où les humains ne sont pas opposés à la nature (sociétés qui « ont pour caractéristique commune de ne pas opérer de distinctions ontologiques tranchées entre les humains, d’une part, et bon nombre d’espèces animales et végétales, d’autre part. La plupart des entités qui peuplent le monde sont reliées les unes aux autres dans un vaste continuum animé par des principes unitaires et gouverné par un identique régime de sociabilité  (Descola, 2005 : 27)) cela ne les empêche pas d’entretenir également une relation matérialiste et fonctionnelle avec leur environnement (une preuve de cette relation matérialiste est la surexploitation de la langouste dans les eaux de Kuna Yala dès les années 1980, cf. Ventocilla et al., 1995). 

La reformulation du mythe romantique du « bon sauvage » dans les termes plus actuels du « bon écologiste » qui vit en harmonie avec la nature est évidemment plus proche des préoccupations environnementalistes occidentales que de la réalité historique des peuples autochtones, car les pratiques indigènes ne sont pas par essence respectueuses de l’environnement (Krech, 1999)” 

Nous avons reporté cette situation dans les médias Panaméens, sans montrer aucun visage. La réponse du Congreso a été “à la couleur du sable on peut facilement distingué qu’il ne s’agit pas de notre Comarca, ou alors d’un fait isolé”. Quel sarcasme quand, en se promenant un temps soit peu aux San Blas, chaque jour durant cette période tu peux trouver des carcasses de tortues vides flottant, des écailles à la vente, des pêcheurs avec les tortues dans leur cayuco.

Nous nous sommes ensuite mis en contact avec une association de protection des tortue aux San Blas pour qu’ils multiplient leurs actions d’éducation sur les îles connues pour pêcher les tortues.

Et de par nous-même essayons de parler avec les locaux pour leur expliquer que cet animal va disparaître s’ils ne le laisse pas se reproduire, qu’il vaut plus d’argent s’il est protégé que chassé (par exemple en proposant des excursions nocturnes aux touristes pour observer la ponte des tortues. 60$/ personne au lieu de 80$ la tortue morte). Certains navigateurs on déjà offert des poules aux Kunas sur les îles pour qu’ils ne mangent pas les oeufs de tortues.

Tout n’est pas perdu, c’est un long chemin pour changer les comportements et croyances, mais quelques Kunas sont motivés pour faire de belles choses et protéger leur environnement (jardin de coraux, protection des tortues, pas de surpêche, etc).

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